Docteure, Université de Nantes, Centre Nantais de Sociologie (CENS)
Contact : anna.mesclon [at] univ-nantes.fr ; mesclon.anna [at] gmail.com
Présentation
Poursuivant une perspective générale, mes recherches se situent au croisement de la sociologie des institutions, du travail, des sciences, de l’éducation et de la culture. Ma thèse, en retraçant ce que Pierre Bourdieu (1997) appelle la « double histoire » d’un muséum d’histoire naturelle, s’est intéressée aux transformations, dynamiques professionnelles et luttes symboliques qui président à la mise en circulation d’une offre de « culture scientifique » dans une institution culturelle séculaire et reclassée. Aussi fondées sur des études de cas croisant méthodes ethnographiques et analyses documentaires, mes recherches précédentes portaient sur d’autres objets. J’ai réalisé une enquête sur le dispositif d’éducation artistique et culturelle « Collège au cinéma » en analysant les tensions générées par ce partenariat entre acteurs de l’institution scolaire et du secteur culturel, et en m’intéressant aux hiérarchies symboliques en matière de cinéma véhiculées par ce dispositif. Une autre enquête portait sur l’étude des pratiques culturelles d’un groupe de collégiens à l’aune de leurs appartenances sociales, de genre et d’âge ; mais aussi de leur inscription dans diverses sociabilités (quartier, école, classe). Dans le cadre d’un contrat de recherche postdoctoral sur le projet « Usages des identifiants numériques chercheurs en France » piloté par l’URFIST de Paris, je travaille actuellement sur les pratiques de visibilité en ligne des chercheurs, en les réinscrivant dans des logiques disciplinaires, des cadres institutionnels et des trajectoires de chercheurs. Mots-clés :
- Sociologie des institutions (changement institutionnel, rapports aux institutions, double histoire, muséum, institutionnalisation localisée de la culture scientifique)
- Fabrique des biens symboliques et définitions de leur valeur (culture scientifique, patrimoine naturel, cinéma, dispositifs d’éducation artistique et culturelle)
- Sociologie structurale du travail au musée (conservation, médiation, expositions), dans la recherche, et arrangements professionnels dans la culture scientifique
- Pratiques culturelles socialement différenciées des adolescent-es
- Usages sociaux du numérique
- Méthodes ethnographiques et documentaires, études de cas et jeux d’échelles
Thèse
Titre de la thèse : « Des sciences naturalistes à la culture scientifique. Luttes de territoires et (re)classements au muséum » Sous la direction d’Annie Collovald et Bernard Lehmann. Soutenue à l’université de Nantes le 10 mars 2023, devant un jury composé de :
- Virginie ALBE (Professeure, ISP, ENS Paris Saclay, rapportrice)
- Marie CARTIER (Professeure, CENS, Nantes Université, présidente)
- Annie COLLOVALD (Professeure, ISP, Université Paris Nanterre, directrice de thèse)
- Vincent DUBOIS (Professeur, SAGE, Université de Strasbourg, examinateur)
- Bernard LEHMANN (Maître de conférences, CENS, Nantes Université, co-encadrant de thèse)
- Frédéric POULARD (Professeur, LCSP, Université Paris Cité, rapporteur)
Résumé
Centrée sur un muséum d’histoire naturelle créé au début du 19ème siècle dans une grande ville française, ma thèse repose sur une enquête de terrain conduite entre 2016 et 2021 par entretiens (n=75) et observations formelles (n=50) et informelles, ainsi que sur l’étude de différents corpus archivistiques ou documentaires (rapports d’activité du musée, articles de presse, publications des enquêté-es, documents de travail, etc.). La focale monographique en milieu d’interconnaissance permet d’articuler des dimensions qui sont souvent compartimentées dans les enquêtes portant sur le travail dans les musées ou dans la culture : prise en compte de l’histoire longue et matérialisée de l’institution, prise en compte de l’histoire individuelle et incorporée des travailleurs qui l’habitent au moyen de l’analyse de leurs trajectoires (sociales, scolaires, professionnelles, concourantes), et analyse des effets de la rencontre entre ces deux histoires sur les produits de l’institution (son offre culturelle). Contribution à une sociologie localisée du changement institutionnel et de l’institutionnalisation de la culture scientifique, cette recherche déploie une sociologie structurale du travail au musée mettant au jour les dynamiques professionnelles, les logiques sociales et les luttes de définitions qui trament la production et le classement des biens symboliques qui y sont mis en circulation (expositions, offres de médiation, collections, savoirs naturalistes, etc.). En prêtant attention aux liens qui se tissent, dans cette histoire télescopée, entre intermédiaires culturels et producteurs de science, la thèse contribue à rapprocher sociologie de la culture et sociologie des sciences naturalistes. Le muséum étudié, institution séculaire, est double : longtemps lieu de science, il est aujourd’hui scientifiquement déclassé. Longtemps exclu des circuits institutionnels de la culture, il est aujourd’hui une institution culturelle. Jusqu’aux années 1980, les pratiques naturalistes étaient un territoire d’activité important dans l’institution. Sous l’effet de changements locaux et globaux, survenus dans le milieu scientifique et académique mais aussi dans le domaine culturel, ces dernières ont connu un déclassement symbolique et professionnel au musée, tout en y persistant. Simultanément s’est opéré un phénomène de reclassement du muséum par le vocable « culture scientifique ». Inscrites dans ces transformations, deux grandes lignes de clivage traversent aujourd’hui l’institution. La première concerne la façon de définir le rôle scientifique du musée, entre les tenants d’approches qu’on propose respectivement d’appeler “culture scientifique” et “éducation à l’environnement”, l’une s’opérant dans le renforcement des hiérarchies scolaires et académiques en matière de science, la seconde se voulant plus sociale et se définissant comme alternative à la science de l’école. Le deuxième clivage porte sur la manière de mettre les sciences en culture : pour certains le musée doit être un lieu pédagogique dédié aux sciences naturelles ; pour d’autres il doit devenir, par son offre culturelle, un lieu de création d’une réflexion scientifique originale, décloisonnée des sciences naturalistes. Partiellement liés à la position occupée dans le musée ou à la trajectoire scolaire, les points de vue des travailleurs sur ces sujets recouvrent des dynamiques de (re)classement et de placement de soi irréductibles à des identités professionnelles (de « médiateurs », de « conservateurs », etc.). Dans ce muséum coexistent différentes manières de s’investir dans le travail, allant de celles vécues comme des « vocations culturelles » à celles qui s’apparentent à des « consolations scientifiques » en passant par les reconversions de la science à la culture. En examinant plusieurs situations de partenariat entre les personnels du muséum et des acteurs qui côtoient l’institution de manière non-permanente, la thèse analyse aussi des arrangements de travail et des luttes de territoire entre intermédiaires de la culture scientifique (personnels du muséum) et producteurs de science (chercheurs), ainsi que des luttes entre intermédiaires culturels. Ne les saisissant pas juste sous l’angle de la concurrence ou de la complémentarité, elle montre les luttes de définition sur la culture et le rôle professionnel qu’occasionnent ces partenariats. La mise en lien entre trajectoire antérieure, situation d’emploi et rapport au travail permet d’identifier comment ces tensions sont alimentées par le caractère très contrasté des dispositions des travailleurs. D’un bout à l’autre se croisent et s’achoppent des travailleurs aux carrières « certifiées », détenteurs de concours et ayant un fort sentiment d’appartenance à l’institution pour laquelle ils travaillent (le muséum, la fonction publique) ; et des travailleurs de la culture indépendants, pluriactifs, aux carrières composites ayant des profils professionnels plus entrepreneuriaux. Les premiers valorisent la responsabilité, la prudence et la certification, les seconds la créativité, la singularité et le mélange des genres. Ces valeurs se traduisent tant dans leur rapport au travail et à leur rôle professionnel que dans leur manière d’envisager et de fabriquer les contenus culturels.
Publications
Articles
- Cédric Barbier, Tomas Legon, Lisa Marx et Anna Mesclon, 2020, « Les logiques du marché à l’œuvre dans les dispositifs scolaires d’éducation au cinéma », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, Hors-série n° 7, 181-207.
- Frédérique Letourneux, Juliette Mengneau, Anna Mesclon et Daniel Veron, 2020, « Penser une réussite alternative à l’université. Requalifier les expériences enseignantes et étudiantes à partir de l’auto-socioanalyse», Revue française de pédagogie, 2, 133-146.
- Frédérique Letourneux, Juliette Mengneau, Anna Mesclon et Daniel Veron, 2020, « Pensar um sucesso alternativo na universidade – Reclassificar experiências de professores e de estudantes com base na auto-socioanálise», Revista Linhas, n°45, 233-259.
Dossier d’étude
Anna Mesclon, 2016, « Clivages et logiques communes dans la culture vécue par les adolescents », Dossiers d’études, CNAF, n°185.
Enseignement
D’abord doctorante contractuelle avec mission d’enseignement, puis ATER (1 an) ou chargée de cours vacataire, j’enseigne en continu depuis mon entrée en thèse en 2015. À Nantes Université ou à l’Université catholique d’Angers, les cours que je dispense ou ai dispensés s’adressent à des publics en formation de sociologie ou en formation pluridisciplinaire, allant de la première année de licence (L1) à la dernière année de master (M2).
- Introduction à la sociologie
- Sociologie de la culture (et « des cultures »)
- Sociologie des institutions culturelles et artistiques
- Trajectoires et auto-socioanalyse
- Les modes d’enquête en sociologie
- Entretiens et observations ethnographiques
- Méthodologie du travail universitaire, expression écrite et orale